Le retour au travail


Ici, dans cette entreprise que nous nommerons “Ouf”, les femmes enceintes disparaissent souvent dès le début de leur grossesse. Au vu de la difficulté physique du travail (qui concerne la majorité des employés de cette société), c’est une évidence (qui embarrasse bien sûr les supérieurs mais) qui ne choque personne.
“Les femmes enceintes doivent travailler moins et se protéger !!!” crie d’ailleurs haut et fort N., représentante syndicale.
Ce discours a pour conséquence de renvoyer les femmes enceintes à la maison au plus tard à partir du 4ème mois.

Alors moi qui reviens après une absence de 4 mois, à 7 semaines du terme, je fais hurler les 400 salariés de cette société.
“Pourquoi tu n’as pas pris tes pathos ? Si c’est un problème de paye, sache que les pathos sont complétés à 100% par l’entreprise !” s’énerve la responsable du personnel.
“Dans ton état... Mais enfin dans ton état...” me répète en boucle mon supérieur hiérarchique, l’air hagard. “Tu aurais pu poser des congés payés, si c’est un problème d’argent.”
“On a annulé exprès un rendez-vous pris pour un autre employé chez le médecin du travail. Tu vas t’y rendre à sa place demain en urgence ! Attention, tu as intérêt à y aller !” se fâche la responsable du personnel.
“Attention à Maman” chuchote le directeur à une de mes employées en lui serrant la main le matin.
“Mais qu’est-ce que tu fous là ?!” s’étonne un collègue.
“Tu vas nous le pondre au travail !”
“Tu ne vas pas bien ! Pourquoi tu n’es pas restée à la maison ?”

"Ta chef, elle est revenue ?!" demande-t-on constamment à mes employés.

"......."

Et j'en passe.

 

 

Politiquement incorrect.

Fouteuse de troubles et troubleuse de l’équilibre établi.
Une femme enceinte qui revient, ça ne s'est jamais vu dans cette multinationale.

De plus, a priori, mes collègues féminines ont changé d’attitude du jour au lendemain vis-à-vis de mes collègues masculins lors de mon retour (aux dires des collègues masculins ; je ne comprends pas).


Peur de la réaction des syndicats.
Chez nous, les syndicats sont tellement puissants que la direction s’agenouille devant eux. Ils sont capables, sans me consulter, de demander au directeur de justifier ma présence ! Certainement un élément qui explique l'attitude inquiète de ce dernier car les grands patrons de Ouf attachent beaucoup d’importance à la relation qu’entretient la direction avec les syndicats.
Merci N. de nous protéger, mais rassure-toi, le poste que j’occupe ne souffrira pas des quelques aménagements que je mettrai en place et rien ici ne nuira au bon déroulement de ma grossesse.

Machisme.
Les femmes parturientes, au foyer ! Les jeunes mères, au foyer !

Peut-être peur de devoir suivre l’exemple, ou jalousie.
Nous les femmes allons être obligées de suivre ton exemple au risque d’être sanctionnées à l’avenir ? Nous les hommes n’avons pas la possibilité d’avoir des “congés” prolongés et toi tu n’en profites même pas !

 

 

Evidemment, mon équipe est plutôt satisfaite de me revoir, car pour elle le travail devient difficile. En effet, sur une équipe de 4 personnes, nous sommes deux à être enceintes et, restrictions budgétaires obligeant, pas remplacées.

Une personne, seulement une personne, haut placée dans la société, m’a comprise : “je pense que si ma femme se trouvait dans la même situation que toi, elle ferait pareil” me dit-elle. Ahhh ! Merci G. ! Surtout venant de toi, ça fait du bien de l’entendre ! Mais voilà, justement, cette personne a le profil de l’homme d’affaire, alors que la majorité des autres salariés de cette société cherchent à en faire le moins possible... Faudrait pas s’épuiser au travail, hein. Du présentéisme, oui, mais du travail, non.



06/04/2012
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